La fusée d’Olif

Olif bouge tout le temps.

Il saute d’une branche à l’autre, il court en cercle autour des troncs, il grimpe, il descend, il repart. Même quand il essaie de rester tranquille, on dirait que son corps oublie. Ses doigts tapotent, ses jambes gigotent, ses pensées bondissent d’un sujet à l’autre. C’est comme si tout en lui allait trop vite pour rester en place.

À l’école, c’est difficile. Une heure à rester assis, c’est une éternité pour lui. Lire une consigne sans se perdre dans les lignes, écouter sans couper la parole, attendre son tour sans exploser d’impatience… ça lui demande une énergie folle. Et souvent, il entend :

— Olif, concentre-toi !
— Tu déranges toute la classe.
— Tu ne fais jamais assez attention.

Alors Olif se tait. Enfin, à l’extérieur. À l’intérieur, ça continue de tournoyer.
Ces mots, il les boit sans le vouloir, comme des gouttes amères qu’on ne peut pas recracher. Ils marquent. Ils s’impriment. Comme si chaque reproche gravait une petite trace invisible sur lui.

Et à force, Olif ne sait plus très bien qui il est. Il se demande s’il est cassé. S’il sera toujours « trop » pour les autres.

Mais un jour, un adulte lui parle d’un drôle de projet.

— Tu sais, on a besoin de quelqu’un pour une mission très spéciale…
— Une mission ?
— Oui. Il faut piloter une fusée.

Les yeux d’Olif s’arrondissent.

— Une vraie fusée ?
— Une vraie de vraie. Elle file dans l’espace à toute vitesse. Et pour ça, il faut quelqu’un qui pense vite, qui remarque les détails, qui a de l’énergie à revendre et mille idées à la seconde.

Olif ne dit rien. Mais dans son ventre, un feu d’artifice se déclenche.

Il s’imagine, casque sur la tête, commandes entre les pattes, déjouant des pluies de météorites, atterrissant sur des planètes inconnues, inventant des solutions au moindre problème. Il voit des lunes en forme de crêpe, des étoiles qui rient, des planètes faites de glace à la mangue.

Et dans cet univers-là, tout ce qu’il est devient une force. Son agitation, sa curiosité, son imagination débordante. Rien n’est « trop », rien n’est « pas assez ». C’est juste… Olif. Et ça suffit.

Alors il recommence à rêver. Pas pour fuir. Pour construire. Pour croire qu’il y a des endroits, et des gens, qui verront en lui une fusée prête à décoller, et pas une erreur à corriger.

Parce que parfois, ce n’est pas lui qui doit ralentir. C’est le monde qui doit apprendre à suivre son rythme.

 

 

Olif bouge tout le temps, pense trop vite, rêve trop grand — et c’est bien ce qui le rend unique.
Dans un monde qui le trouve "trop", une fusée pourrait bien l’emmener là où il est parfaitement à sa place.

Suivant
Suivant

Les recettes de Nuni