Le souffle d’y croire

Depuis sa rencontre avec Siloun, Sam a beaucoup marché. Pikafondu — son épée qui ressemble furieusement à un cure-dent légèrement usé — toujours accrochée à la ceinture, elle poursuit son voyage avec cette détermination minuscule mais inébranlable qui n’appartient qu’aux souris.

C’est ainsi qu’elle est arrivée dans un endroit étrange qu’on appelait simplement la Terre.

Mais ici… quelque chose clochait.

Les gens semblaient éteints. Tout gris. Ils marchaient la tête basse, comme si les rêves avaient déserté leurs poches, comme si la magie avait été rangée dans un carton mal fermé, au fond d’un grenier d’enfance. Plus personne ne riait sans raison, plus personne ne croyait aux dragons gentils, aux trèfles à cinq feuilles ou aux tartines qui tombent du bon côté.

Ici, on parlait surtout d’efficacité, de rentabilité, et de choses bien rangées dans des cases bien fermées. Il ne fallait pas rêver trop fort, ni sortir des lignes, surtout celles qu’on ne voyait pas, mais qu’il ne fallait surtout pas franchir.

Sam sentit son cœur se serrer.

Heureusement, au détour d’un sentier oublié, elle rencontra un vieux sorcier. Lui aussi avait perdu goût à la magie. Cloîtré dans une grotte tapissée de toiles d’araignée et de vieux grimoires en jachère, il soupira :
— Je ne sers plus à rien. Plus personne ne croit. Tiens, petite… prends ça.
Il lui tendit une fiole, minuscule comme un soupir, qui brillait faiblement.
— Une once de magie. La dernière. Utilise-la à bon escient.

Alors Sam eut une idée. Une idée lumineuse.

Elle sortit ses papiers colorés, plia des tas de petites cocottes en origami, leur souffla un peu de la magie de la fiole, et chuchota à chacune une histoire, un rêve, une image.

Puis elle les relâcha. Et les cocottes devinrent des lucioles, volant par milliers à travers les villes, les campagnes, les chambres et les salons silencieux.

Le lendemain, les humains se réveillèrent un peu différents.

Certains avaient des idées de cabanes plein la tête.  D’autres dessinèrent un dragon dans la buée de la vitre.  Un monsieur très sérieux planta des fleurs dans une chaussure.  Une petite fille rêva deux hérissons qui vivaient des aventures.

Et sans trop savoir pourquoi, le monde redevint un tout petit peu magique.

Et Sam ?
Elle replia sa carte. Pikafondu à la ceinture, un sourire en coin.
Car d’autres endroits l’attendaient.

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